05 novembre 2008

Compte-rendu de l'audience de la Cour Administrative d'Appel.

Suite à l'Appel formé contre le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux ayant annulé la décision du 14 mai 2004 actant le principe d'un contournement autoroutier concédé à l'ouest de Bordeaux, les associations et le Ministère public ont été convié à assister à l'audience de la Cour Admnistrative d'Appel (CAA) ce mercredi 5 novembre.

La salle était comble, les médias étaient là (presse et télé) et beaucoup étaient debouts dans la salle d'audience. Merci à vous tous ! Le pression est importante, et la CAA n'a bien rappelé. Mais, contrairement à ce que beaucoup d'entre nous pensaient, ce n'était qu'une audience et non une délibération. La décision de la CAA n'a donc pas été rendue ce jour et nous avons eu droit au final aux "plaidoiries" des parties. Mais pas mal d'enseignements en sont sortis.

Tous d'abord, à titre exceptionnel, la CAA était réunie en assemblée plénière vu "l'importance des enjeux" autour de cette décision. Nous avions donc neuf juges face à l'avocat Pierre Hurmic représentant l'ensemble des associations et qui a à cette occasion rappelé les enjeux de la décision de la CAA : revenir sur la décision du Tribunal Administratif rendrait inutile tous les futurs débats publics (la fameuse jurisprudence sur les projet nécessitant ces débats), irait à l'encontre des efforts de démocratie participative (et donc contre le droit qui la consacre) et rendrait vide de sens tout CIADT (les comités interministériels). Il a notamment exposé les raisons pour lesquelles la TA a en l'espèce bien appliqué le droit.

Concernant la partie adverse (l'appelant), à notre grande surprise, il n'y avait pas de représentant de l'Etat présent à l'audience. Nous n'avons donc pas eu lecture des arguments qu'il invoque.
Par la suite, le Commissaire du Gouvernement (rien à voir avec le gouvernement : c'est un magistrat chargé de donner un avis consultatif sur l'issue à donner à l'affaire : son rôle détaillé sur ce lien) a rappelé l'historique de l'affaire, jusqu'à l'abandon du projet, puis a analysé au regard du droit les différents arguments des deux parties.

Le commissaire a donc bien rappelé que l'Etat avait abandonné son projet de contournement de Bordeaux au motif qu'il "ne satisfait pas aux exigences du grenelle de l'environnement". Exit le projet, du moins du côté du Ministère (1). Son objectif est donc ailleurs, du côté du droit.

En substance, les conclusions du commissaire tournent autour du fait que la décision du CIADT "n'était pas une décision entraînant des effets juridiques" et donc qu'elle "ne pouvait être qualifiée de décision" (vous ne rêvez pas ...). Le débat public n'a donc pas été interrompu et "pouvait donc très sereinement suivre son cours". On a eu alors une longue tirade sur "la qualité exceptionnelle du débat public", qui a "utilement éclairé" la décision du ministre, "seul qualifié pour rendre une décision". Au final, la décision du CIADT n'en était pas une et relevait de "l'orientation de politique générale", et concernait en plus "de très nombreux autres projets" aussi divers que variés.

Suite à ça, le commissaire a abordé de nombreux autres arguments techniques (2) peu digestes mais très précis, très étayés de décisions administratives jurisprudentielles passées (certains diront même très anciennes). En gros, le commissaire penche clairement du côté de du ministère et, d'après l'avocat des associations, l'Etat aurait "90% de chance de l'emporter".

Heureusement pour nous, ce n'est pas le commissaire qui rend sa décision (il ne particvipe pas aux débats en Appel et n'est même pas physiquement présent aux délibérations) mais 9 juges visiblement bien conscients des enjeux. Il faut également rappeler que, lors du jugement précédent au Tribunal Administratif, le commissaire du gouvernement avait déjà rendu des conclusions contre les associations. Tout reste donc possible dans ce dossier. Mais il est clairement ressorti que cette décision sera une décision générale de droit et non une décision sur le contournement de Bordeaux qui est bel et bien abandonné. L'enjeu n'est donc "que" jurisprudentiel.

La délibération finale a été fixée à "dans quatre semaines", sûrement donc le mercredi 3 décembre. On se sait pas encore si la décision se fera en audience publique ou sera communiquée par simple courrier aux parties prenantes. Je vous confirmerai tout ça rapidement mais réservez quand même d'ores et déjà votre journée au cas où.


(1) au niveau local, c'est encore autre chose. Je vous en parlerai dans un futur message : les pro-CAB font en ce moment un lobbying incroyable, essentiellement piloté en sous main par le Conseil Général et son Président fraîchement réélu Phillipe Madrelle ...
(2) vous pouvez télécharger l'intégralité de l'analyse du commissaire. Accrochez-vous quand même ...

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Le président, à l'ouverture de l'audience, a bien insisté sur son caractère d'audience plénière. Il a été clair pour ainsi montrer que la décision rendue la sera avec le plus de poids que la cour d'appel du TC de Bordeaux peut y mettre.
Je ne peux pas m'empêcher de penser que cette démonstration de force n'a aucun intérêt dans le cas d'un cassement du premier jugement. Pour donner raison au gouvernement n'importe quel petit juge suffit.

Paul Geneste,
Médoc'xygène

Thomas Lugagne a dit…

Que le ciel t'entendes paul !!!
tiens nous au courant d'une éventuelle convocation du côté de Médoc'xygène ...

Anonyme a dit…

il est important que les arguments juridiques des anti-contournements l'emportent...
en effet, quid en cas de changement de gouvernement ou lors de nouvelles élections?
avec des élus locaux qui poussent dans le dos?

Anonyme a dit…

Le commissaire du gouvernement, même si cette dénomination peut porter à confusion, ne représente en aucun cas l'Etat. Il est là pour analyser l'ensemble des moyens des parties, "en toute indépendance"... en principe ! et donner un avis "impartial" qui est généralement suivi par le Tribunal ou la Cour, sauf rare exception.
Dans la mesure où, comme l'a rappelé ledit Commissaire, le projet est abandonné, il a donné l'impression (et plus) de faire en sorte que l'Etat ne perde pas la face. Mais le fait que l'Etat ne soit pas représenté, ni par un avocat, ni par un fonctionnaire, n'a pas dû plaire à la Cour, et est évocateur...
D'autre part, je fais partie de tous ceux qui ont été choqués par la "descente" de Mme Paris distribuant en arrivant des badges à ses sbires en service commandé, qui n'étaient pas concernés par cette audience, et qui, s'ils avaient le droit d'y assister, auraient pu se dispenser de tant d'agressivité et d'arguments du niveau caniveau. Des gens qui font du bruit avec la bouche en quelque sorte !
Dominique

Anonyme a dit…

Qu'on se le dise:
Rive droite le lobying est bien assuré aussi par Madame Paris (présente à l'audience au nom de l'association DURRABLE avec 2r pour Réseaux Routier!). Elle roule pour la CCI.
Elle n'a pu s'empêcher lors de son interview de déclarer que nous étions contre le ferroutage!
On est des rétrogrades à ses yeux.

Xavier (a3c)

Thomas Lugagne a dit…

sauf erreur de ma part, elle a été conseillère technique sur les transport de madrelle au CGénéral ...
la rive droite reste un fief des madrelle père et fils, malheureusement(pour cette question en tout cas).
vous verrez, si la délib est publique, on aura Montangon en prime qui viendra faire son auto-promotion

Anonyme a dit…

C'est possible mais on ne peut pas tenir la route comme conseiller technique en racontant n'importe quoi.
En novembre 2007 sur Haute Gironde on pouvait lire sa déclaration:

"Si le Grenelle de l'environnement parle de réduire les infrastructures, nous ne sommes pas concernés puisque nous n'en n'avons pas chez nous"!
En effet en matière de transport si l'on considère que l'on aura bientôt la LGV, une plate forme multimodale et que l'on a déjà l'autoroute A10, la nationale 10, les TER, à Saint-André de Cubzac il nous manque actuellement un aéroport et un héliport...

Xavier@a3c

Thomas Lugagne a dit…

dis-moi xavier, Haute-Gironde n'est elle pas une publication du groupe Sud-Ouest ? ... et on sait que SO est toujours à la pointe de l'information ... !!
En tout cas, je ne connaissais pas cette phrase sur les infrastructures en HG. Affligeant.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je pense que le seul moyen pour fermer définitivement la porte reste une action de classement ( vignobles, monuments, espece protégée, etc...).

Seul un investissement à long terme peut nous mettre a l'abri du retour d'un fanatique des autoroutes ou d'un autre préfet qui voudrait "son" viaduc sur la gironde !

Anonyme a dit…

Le retour ?

Sur Sud-ouest d'aujourd'hui (samedi 22/11), un article en page 15, avec, en titre : "Le contournement refait surface". !!!

Thomas Lugagne a dit…

merci pour l'info
j'essaie de me le procurer
Attention, en ce moment, tous les pro-CAB se sentent regonflés (par quoi, ça reste à découvrir) et je ne suis pas le seul à y voir la main de la CCI et surtout du Conseil Général qui pousse à mon avis beaucoup de maires à sortir du bois (Mérignac en est le dernier exemple en date).
J'ai peur qu'il faille bientôt réactiver les réseaux pour dire clairement à tous ces gens ce que l'on pense de leur petites manoeuvres ...